- THÉRAPEUTIQUE - Crénothérapie et climatothérapie
- THÉRAPEUTIQUE - Crénothérapie et climatothérapieLe nombre des cures thermales dans le monde dépasse 10 millions par an. En France, plus de 600 000 cures thermales sont prescrites chaque année, la majorité d’entre elles avec l’appui de la Sécurité sociale. Cette thérapeutique est donc un fait massif, du point de vue sanitaire, économique et social.Pour fixer les idées par un exemple, suivons en France un asthmatique insuffisamment amélioré par un traitement médical persévérant. Son médecin choisit une station de cure, transmet les informations nécessaires au consultant thermal et remplit éventuellement le certificat destiné à la Sécurité sociale. Le malade, dès son arrivée à la station, est examiné par le consultant thermal, qui lui prescrit une cure adaptée, en surveille les réactions, et en modifie les modalités au fur et à mesure. Le nombre des consultations est généralement de cinq au cours des vingt et un jours de la cure. La cure ne consiste pas seulement en ingestion d’eau médicinale, combinée aux applications externes d’eaux et de gaz thermaux dans l’établissement thermal. Elle est un ensemble, qui comprend aussi la diététique, la cure d’exercice, le repos, la rééducation respiratoire, la réduction ou la suppression de certains médicaments, la psychothérapie. Cette dernière est favorisée par l’éloignement, le calme, la qualité des loisirs. L’asthmatique n’attend pas de sa cure un résultat immédiat. Ce qui compte, c’est l’amélioration durable. En cas de succès, une deuxième et une troisième cure sont souvent utiles. La crénothérapie forme donc ici un ensemble thérapeutique complexe qui, situé dans un plan de longue haleine, vise à retarder le plus possible l’heure de la corticothérapie.On envisagera successivement les cures thermales, les cures climatiques et la thalassothérapie.Les cures thermalesLes eaux minéralesL’eau est un minéral, mais la dénomination d’eau minérale est réservée très souvent aux eaux douées de propriétés thérapeutiques et utilisées conformément à des règles qui garantissent leur pureté bactériologique et la stabilité de leur composition chimique. Le captage et le conditionnement doivent préserver leur caractère naturel. Par exemple, il est interdit de les filtrer et de les stériliser. Les eaux minérales se distinguent des eaux dites potables, des eaux de table, des eaux gazéifiées et des médicaments, car la législation du visa ne les concerne pas.Les propriétés thérapeutiques de la plupart des eaux minérales diminuent avec le temps, parfois très vite. Il est donc indispensable aux malades de se rendre sur place. C’est la raison d’être des stations et des cures thermales.On peut classer les eaux minérales de bien des manières. La classification chimique usuelle distingue plusieurs familles: les eaux bicarbonatées carbo-gazeuses (sodiques, calciques et mixtes); les eaux sulfatées calciques et magnésiennes, froides ou chaudes; les eaux chlorurées sodiques, fortes, moyennes ou faibles, ces dernières pouvant être froides ou chaudes; les eaux sulfurées, alcalines et instables à des degrés divers; les eaux à minéralisation faible, mais remarquables par leurs oligo-éléments ou par leurs propriétés physiques (thermalité, radioactivité); certaines eaux sont caractérisées de surcroît par un élément rare: arsenic, fer, cuivre, sélénium, vanadium, manganèse, fluor. Ni la radioactivité ni l’arsenic contenus dans certaines eaux minérales ne sont, dans les conditions de leur emploi, un danger pour les malades. On rattache aux stations thermales celles qui mettent en œuvre des boues ou des émanations de gaz thermaux.On peut encore classer les eaux minérales d’après la façon de les appliquer aux malades. Par exemple, on les amène en contact direct avec les lésions dans les affections dermatologiques, naso-sinusiennes, bronchiques, gynécologiques et intestinales. Dans d’autres cas, on agit sur les organes profonds par l’hydrothérapie externe: en pathologie ostéo-articulaire, neurologique, veineuse, artérielle, cardiaque. En revanche, c’est la cure de boisson qui joue le rôle principal dans les affections de l’appareil digestif, de l’appareil urinaire, dans les maladies de la nutrition, dans certains cas de pédiatrie et de gériatrie. Dans bien des cas enfin, cures thermales et cures climatiques se complètent, notamment en pathologie respiratoire, cutanée et pédiatrique.Il existe une relation entre la composition des eaux minérales et leurs propriétés thérapeutiques, mais on remarque que des eaux de composition très voisine, par exemple dans le groupe des sulfatées calciques et magnésiennes, soulagent des maladies bien différentes. Réciproquement, des eaux très différentes obtiennent parfois des résultats similaires dans la même maladie. En définitive, c’est l’expérience accumulée de longue date par le corps médical qui gouverne l’orientation des malades vers telle ou telle station.Fortes de cette expérience, les stations françaises ont atteint, depuis près d’un siècle, le stade de la spécialisation. Chacune concentre son activité sur tel ou tel type de malades, si bien que ceux-ci bénéficient de la spécialisation du corps médical, des biologistes et des auxiliaires médicaux.Les stations thermales européennesL’Europe compte plusieurs centaines de stations thermales. Les plus importantes, quant au nombre des malades traités chaque année, se trouvent en ex-U.R.S.S. Le degré de spécialisation des stations européennes, leur niveau technique et scientifique ne sont pas nécessairement liés à leur attrait touristique. Si les malades désirent se soigner sérieusement, leur orientation est du ressort de leur médecin.Environ cent stations thermales fonctionnent en France. Leurs indications cliniques, la température et la composition de leurs eaux, leurs installations, les dates de leurs saisons sont bien connues et se trouvent dans les ouvrages cités en référence.La Sécurité sociale prend en charge, dans certaines conditions, le remboursement à 75 p. 100 ou à 100 p. 100 des honoraires médicaux et du traitement thermal. Elle peut verser, en outre, des indemnités journalières, d’hébergement et de transport.Indications et contre-indications des cures thermalesLes cures thermales sont réservées aux malades chroniques et aux convalescents des maladies aiguës. Elles sont donc contre-indiquées au cours même des maladies aiguës, sauf l’eczéma. Elles le sont également dans les cancers et tuberculoses, l’hypertension artérielle sévère, l’insuffisance cardiaque, rénale et hépatique, ainsi que dans la sénilité extrême. Les malades mentaux doivent être dirigés vers des stations spécialisées.Le but des cures prescrites à la convalescence des maladies aiguës est la guérison ou la prévention des séquelles. Dans les infections chroniques, les cures ont une action originale, qui les rend précieuses en complément des autres traitements. Par exemple, en rhumatologie et en neurologie, elles sont irremplaçables pour lutter contre la douleur et l’impotence. En pathologie respiratoire, pour atténuer les réactions allergiques et renforcer les défenses de l’organisme contre les infections. De même en pathologie cutanée et gynécologique. Dans les maladies des artères, elles sont un des meilleurs moyens de développer la circulation collatérale. Dans les séquelles de phlébites, leur action sur l’œdème et les sensations de lourdeur est unique. En pathologie digestive, elles seules corrigent des troubles fonctionnels rebelles. Dans la migraine, elles réussissent souvent là où tout médicament échoue. Chez les malades mentaux légers, elles offrent un type de traitement qu’il est de plus en plus rare d’obtenir en ville. Chez les enfants, dont la sensibilité aux cures est extraordinaire, elles corrigent les méfaits de la vie urbaine.La place des cures thermales en médecine sociale découle de leur efficacité aux deux extrémités des processus morbides. Avant l’éclosion des accidents sérieux, c’est leur effet préventif. Après la phase évolutive, pour effacer les séquelles, c’est leur effet réparateur. Leur rendement pour prévenir les arrêts de travail et réduire les invalidités est remarquable.Expansion et crise de la thérapeutique thermaleRégulière en France, l’expansion du thermalisme est rapide dans tout le sud, le centre et l’est de l’Europe.Simultanément, le thermalisme traverse une crise de confiance chez une partie de l’opinion publique et des spécialistes hospitaliers. Ces derniers voient surtout des malades graves, aigus, dont le traitement nécessite des installations lourdes et un personnel important. Les problèmes que posent quotidiennement aux praticiens les malades chroniques, leur rééducation et leur réadaptation fonctionnelle leur sont moins familiers. De leur côté, les pouvoirs publics, en France, ont pris des mesures qui risquent à la longue de décourager les malades de fréquenter les stations, les étudiants d’apprendre la thérapeutique thermale, et les médecins de qualité de se consacrer au thermalisme. En revanche, les autorités de la Sécurité sociale connaissent mieux le fait thermal et la rentabilité des cures pour les caisses, dans bien des cas, si l’on tient compte de l’absentéisme au travail et des médicaments onéreux consommés par les malades chroniques. Dans la prise en charge des cures, la Sécurité sociale a une attitude équitable.Les motifs d’expansion doivent l’emporter sur les causes de récession, si l’on tient compte de l’évolution scientifique actuelle de la thérapeutique thermale.Les techniques évoluent, notamment dans le domaine de la rééducation et de la réadaptation fonctionnelles, chez les victimes des accidents de la route, et en pathologie ostéo-articulaire.Les bouleversements de la thérapeutique contemporaine sont loin d’avoir résolu le traitement des malades chroniques, et les cures thermales conservent là toutes leurs indications tirées du terrain pathologique. Souvent, elles permettent d’éviter ou de diminuer les doses des médicaments cortisoniques, ce qui évite de graves accidents à de nombreux malades chroniques. On voit naître des indications thermales nouvelles, issues des progrès du diagnostic, par exemple dans les maladies des voies biliaires et de l’estomac. La pathologie elle-même évolue, car on voit se multiplier les malades asservis à des médicaments ou victimes d’erreurs diététiques, atteints d’allergie, rendus anxieux par le mode de vie actuel ou déprimés par une mise à la retraite prématurée.D’autre part, si la collectivité calcule le poids économique des maladies chroniques, elle s’avisera que la rééducation fonctionnelle en milieu thermal est souvent la meilleure et la moins chère. Enfin, sous la pression de l’opinion publique, on se soucie de plus en plus de médecine préventive, dans le domaine somatique aussi bien que psychique.Quant à l’analyse scientifique des résultats des cures thermales, elle a fait de grands progrès. La science médicale est une, et les résultats des cures sont publiés sous la même forme et avec les mêmes exigences statistiques que les autres publications de thérapeutique. Les résultats étant acquis et situés dans le contexte de l’évolution de la médecine et de la thérapeutique, il reste à en interpréter le mécanisme. D’innombrables recherches en ont élucidé bien des aspects, chez l’homme, grâce aux épreuves fonctionnelles respiratoires, hépatiques, rénales, à la radio-cinématographie, à la manométrie biliaire à débit constant, aux explorations artérielles par l’épreuve à la fluorescéine. Chez l’animal, les démonstrations portent sur les réactions enzymatiques in vitro, sur les organes isolés et sur les animaux entiers. Les expériences apportent des faits objectifs, contrôlables, capables de démontrer aux plus sceptiques que les eaux thermales possèdent des effets pharmacodynamiques puissants. En revanche, ces expériences ont leurs limites. Elles ne peuvent en aucun cas démontrer les propriétés thérapeutiques des eaux, car les réactions de l’animal ne sont pas les mêmes que celles de l’homme malade. C’est pourquoi la démonstration de l’action thérapeutique ne peut être acquise que chez l’homme, au griffon des sources. Dans la science hydrologique, la primauté revient donc aux études cliniques, conduites dans un esprit comparatif.Placée, en France, sous l’autorité de l’Académie de médecine, enseignée dans l’Université, la thérapeutique thermale n’est ni à l’écart des autres branches de l’art de guérir, ni en concurrence avec elles. Tout médecin qui a l’expérience des malades chroniques sait lui donner sa place, à son heure, dans un plan thérapeutique de longue haleine.Les cures climatiquesLes éléments thérapeutiques des climats sont la situation géographique, la nature du sol et du sous-sol, la température et la pression atmosphérique, la composition et la pureté de l’air, les vents et surtout l’ensoleillement.L’exposition au soleil, méthodiquement conduite, est l’héliothérapie . Ses effets les plus intéressants sont dus aux rayons ultraviolets d’une longueur d’onde comprise entre 280 et 320 nm. Si certaines contre-indications ne sont pas respectées, si des fautes techniques sont commises, des accidents peuvent intervenir.L’héliothérapie est contre-indiquée dans la tuberculose pulmonaire, tandis qu’elle est utile dans les tuberculoses extra-pulmonaires, les psoriasis, certaines maladies de la peau, le rachitisme, et ce qu’il est convenu d’appeler chez l’enfant le lymphatisme. L’héliothérapie se combine avec les cures d’altitude, de plaine et de bord de mer.Les climats d’altitude ont de remarquables effets stimulants chez les malades qui peuvent les supporter. Ils conviennent à certains convalescents, à certains asthmatiques, aux tuberculeux pulmonaires après la cessation de la fièvre et aux formes extra-pulmonaires de la tuberculose.Certains climats de plaine ont des propriétés remarquables sur l’appareil respiratoire et le système nerveux. Les climats marins seront évoqués plus loin, à propos de la thalassothérapie.Il existe une liste officielle des stations climatiques françaises, approuvée par l’Académie de médecine. Elles sont pourvues d’un corps médical compétent. Dans certains cas, les cures climatiques se font dans des établissements spécialisés: le sanatorium destiné à la tuberculose pulmonaire ou extrapulmonaire; le préventorium, réservé à la primo-infection tuberculeuse; l’aérium, qui est le placement familial surveillé destiné aux enfants convalescents ou dans la famille desquels un tuberculeux vient d’être dépisté; les lycées climatiques, destinés aux enfants asthmatiques; les classes de neige, qui ont connu depuis 1950 un développement foudroyant; les établissements spécialisés dans la cure de la dilatation des bronches.Dans la tuberculose pulmonaire, l’évolution moderne de la thérapeutique a nettement raréfié les indications de la cure sanatoriale, sans les supprimer. Le but du traitement est de rendre le malade à ses occupations dans un délai d’un an au maximum, et ce délai est souvent plus bref. Il faut donc que le malade mette toutes les chances de son côté dès le début du traitement. Les cas où le sanatorium s’impose sont les tuberculoses graves, l’association d’alcoolisme ou de diabète, l’instabilité psychique, le risque trop important de contamination d’autrui et les conditions sociales défavorables. Quand on choisit le traitement sanatorial, on le fait débuter en plaine, pour le poursuivre en altitude. Les cures sanatoriales sont entièrement remboursées par la Sécurité sociale, à condition que le malade se soumette aux prescriptions du traitement et de la prophylaxie, ainsi qu’aux visites médicales de contrôle.La thalassothérapieLa thalassothérapie est l’emploi thérapeutique des éléments du milieu marin. Elle englobe deux types de traitements, appliqués ensemble ou séparément: la cure héliomarine et la rééducation en piscine d’eau de mer.La cure héliomarine exploite les effets thérapeutiques des climats marins et du bain de mer. Les climats marins français ont des effets bien différents car le grand vent est bénéfique à certains malades, et défavorable à d’autres. Avant la découverte de la streptomycine et de la chimiothérapie, la tuberculose ostéo-articulaire de l’enfant ne guérissait que dans certains climats, en particulier celui de Berck; aujourd’hui, cette maladie est devenue rare, et la fonction de la cure héliomarine est généralement de hâter et d’encadrer l’acte chirurgical. Les autres indications de la cure héliomarine sont le rachitisme, encore fréquent, l’immense groupe des enfants débilités et inadaptés urbains, l’allergie respiratoire, certaines maladies de la peau, les convalescences.La rééducation en piscine d’eau de mer connaît actuellement une expansion méritée. De nombreux centres ont créé des installations remarquables et attiré des médecins compétents. La valeur irremplaçable des piscines d’eau de mer, comme des piscines thermales, découle des propriétés suivantes: le principe d’Archimède supprime la pesanteur des segments immergés et permet des mouvements impossibles autrement; le réchauffement des muscles est un préalable à toute rééducation; les contractures musculaires s’atténuent dans l’eau chaude, la circulation s’améliore, la pression hydrostatique favorise la résorption des œdèmes; le bain est analgésique et il donne un meilleur sens de l’orientation des mouvements; l’immersion met le malade en confiance; l’esprit de compétition apparaît dans le groupe. De nombreuses catégories de malades bénéficient de ce traitement: les victimes des accidents de la route, des traumatismes professionnels, sportifs ou militaires; les convalescents de la chirurgie ostéo-articulaire; les rhumatismes chroniques à type d’arthroses, de sciatique, de périarthrite de l’épaule et de névralgie cervico-bracchiale; les séquelles de poliomyélite, de polynévrites et de certaines hémiplégies. Le corps médical oriente les malades vers les stations de thalassothérapie ou les stations thermales en fonction de la proximité géographique, de la qualité technique des installations et de la compétence des rééducateurs. Les résultats ont été amplement publiés, ils sont du même ordre dans les deux types de stations.Le relatif scepticisme de l’opinion publique à propos des cures thermales ne se retrouve nullement à propos des climats, car il est facile à chacun d’en vérifier les effets sur soi-même, ni à l’encontre de la thalassothérapie, dont la réelle valeur médicale est auréolée par l’attrait de la nouveauté.
Encyclopédie Universelle. 2012.